IA et éthique en SVT : apprendre à décider dans un monde automatisé

IA et éthique en SVT : apprendre à décider dans un monde automatisé

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L’année 2023-2024 a marqué un tournant : les intelligences artificielles génératives sont devenues omniprésentes dans le quotidien des élèves comme des enseignants. Dans ce contexte, un groupe de professeurs de SVT de l’académie de Grenoble a engagé une réflexion collective dans le cadre des TraAM autour du thème « IA et éthique ». Leur objectif : aider les élèves à mieux comprendre le fonctionnement de ces outils, leurs atouts… mais aussi leurs limites, leurs biais et leurs impacts, dans une perspective scientifique, citoyenne et critique.

Le projet s’est structuré autour de deux grandes questions :

  • Quel rôle peut jouer l’IA dans les prises de décision en santé ou face aux enjeux environnementaux ?

  • Comment les enseignants peuvent-ils l’utiliser pour accompagner les apprentissages, sans perdre leur autonomie pédagogique ?

Ces questions ont conduit à travailler plusieurs dimensions éthiques fondamentales : le respect du RGPD, la protection des données biologiques, les biais algorithmiques, la transparence des décisions, mais aussi la place de l’humain dans un monde automatisé.

Huit expérimentations en classe, du collège au lycée, ont illustré concrètement ces enjeux :

  1. En seconde, une séquence complète sur les enjeux contemporains de la planète a intégré l’IA dans toutes les étapes : compte-rendu de sortie de terrain, visualisation de paléoenvironnements, préparation de débats argumentés sur les mégabassines… Les élèves y ont appris à formuler des prompts efficaces et à questionner la fiabilité des réponses.

  2. En 4e, le comptage de globules rouges avec un logiciel d’IA a permis d’aborder la notion de scientificité : reproductibilité, sources d’erreur, interprétation des résultats.

  3. En première, dans le cadre de l’enseignement scientifique, l’IA a été mobilisée pour rédiger des discours oraux accompagnant un stop motion. Un débat mouvant sur les usages de l’IA pour le Grand Oral a permis de poser les bases d’une réflexion éthique.

  4. Toujours en première, un projet expérimental et numérique a permis aux élèves de tester des IA, d’analyser des dilemmes éthiques et de débattre sur les visions du progrès technologique. L’IA est devenue à la fois outil, objet d’étude, et source de questionnements citoyens.

  5. En 3e, une séquence sur les exposés scientifiques a testé l’usage de l’IA comme aide à la recherche et à la structuration d’un plan. Des écarts dans l’appropriation des contenus ont permis de discuter de l’équité et du sens des apprentissages.

  6. Toujours en 3e, un projet de podcast sur les IST a utilisé l’IA pour retravailler les scripts dans une perspective orale : style, clarté, dynamisme. Une manière originale de travailler la communication scientifique.

  7. En 4e, un second projet de podcast a servi de restitution après une pièce de théâtre sur le changement climatique. L’IA a aidé à reformuler les explications scientifiques pour les rendre accessibles aux collégiens.

  8. En 1ère spécialité, les élèves ont comparé des modélisations 3D de protéines (HbA/HbS) obtenues par SwissModel ou AlphaFold. Cela a ouvert une réflexion sur la fiabilité des prédictions, les complémentarités entre IA et expérimentation, et les enjeux en santé.

Ces activités ont toutes contribué à développer chez les élèves des compétences d’analyse critique, de traitement de données, d’argumentation, et de prise de décision éclairée – autant de compétences-clés dans les programmes de SVT et d’enseignement scientifique.

En guise de bilan, l’IA s’est révélée un outil puissant pour rendre visibles certains processus scientifiques abstraits, différencier les apprentissages, et stimuler la motivation. Mais son usage soulève aussi des enjeux éthiques et environnementaux qu’il est indispensable de travailler avec les élèves. Ces expérimentations montrent qu’en croisant un usage raisonné des outils numériques, des observations expérimentales ou de terrain et esprit critique, on peut accompagner les jeunes vers une compréhension plus fine de leur environnement, et les aider à devenir des citoyens éclairés dans un monde de plus en plus automatisé... peut-on aller toujours plus vite, au prix de quelles erreurs, simplifications ou conséquences pour notre santé, notre environnement, notre économie, etc, le tout sans sacrifier notre humanité et notre créativité ?